GAME, le jeu vidéo à travers le temps
Du 1er mars et jusqu’au 27 août 2017 se tient à la fondation EDF l’exposition GAME, le jeu vidéo à travers le temps. J’y suis allé lors de la soirée d’inauguration et j’ai pu faire un tour des lieux avant que l’événement ne soit submergé de public. A défaut d’une exposition exhaustive sur le jeu vidéo, je m’attendais à quelque chose qui ait du sens, une thématique, une narration et pourquoi pas, quelques surprises….
Ce n’est pas la première exposition vidéoludique que l’on voit sur Paris. L’association MO5.COM s’est d’ailleurs illustrée sur bon nombre d’entre elles. Ce n’est donc pas pour rien que Jean Zeid, journaliste à France Info, auteur du podcast No Game et commissaire de l’exposition, a fait appel à eux pour mettre en avant ce patrimoine vidéoludique dont il est si friand. L’exposition a d’ailleurs de quoi satisfaire : « une soixantaine de jeux présentés dont la moitié jouable », « découvrir les évolutions et révolutions » du secteur, « un décor empreint de l’univers visuel et plastique du jeu vidéo », oui, je m’attendais vraiment à quelque chose d’exceptionnel, au moins autant et à petite échelle que l’exposition Game Story : une histoire du jeu vidéo au Grand Palais en 2012 et qui représentait pour moi l’une des meilleures expos sur les jeux vidéo.
Si vous souhaitez vous y rendre, voici ce que vous allez trouver :
- Une galerie de portraits des créateurs (Michel Ancel façon Rayman, Amy Hennig entourée de Nathan Drake, Ralph Baer et sa Brown Box, ils ne sont pas tous là mais ils ont le mérite d’être représentés de manière originale, une belle entrée en matière et un excellent quizz à faire)
- L’évolution de Marcus à travers les 4 dernières générations de console : 5 statuettes montrant l’augmentation du nombre de polygones façonnant les personnages à l’écran, de la Playstation à la PS4. C’est beau, ça a du sens, c’est instructif et simples pour les novices et c’est signé Ubisoft (le personnage est Marcus Holloway – et non le journaliste TV – qui est le héros de Watch Dogs 2)
- Une Gameboy géante avec Tetris
- La possibilité de tester Eagle Flight, un jeu de vol d’oiseau à travers Paris avec le casque PS VR
- Des vidéos d’archives de l’INA montrant le jeu vidéo à travers les médias télévisuels (des ados prostitués pour payer leur parties de Space Invaders en 1979 au Japon, des enfants obnubilés par les personnages de leur jeu au point de ne plus en dormir, Dorothée, Antoine de Caunes, Michel Chevalet et des émeutes lors du lancement de la PS2 au Virgin Megastore des Champs Elysées) On comprend bien des choses après ça…
- Quelques visuels publicitaires des magazines de jeux vidéo des années 90 (différents en fonction des escaliers que l’on prend pour monter à l’étage) qui montre comment le jeu vidéo s’est promu dans la presse, souvent avec beaucoup d’humour et de dérision.
- Une galerie de jeux jouables dédiés aux mascottes, de Pac-Man à Ezio Auditore (Assassin’s Creed II)
- Une présentation de périphériques et accessoires de jeux vidéo dont une partie est sans doute peu connu du grand public
- La représentation d’une « chambre de geek » des années 70 avec des étagères bourrées de consoles de cette époque (ça parlera sans doute aux anciens et ça permettra de montrer aux plus jeunes)
- 4 vitrines de figurines Skylanders, Amiibo, Lego Dimension et Disney Infinity (attention les yeux, la lumière est forte, si vous êtes migraineux, passez votre chemin)
- La possibilité de jouer aux premières expérimentations vidéoludiques : OXO (1952), Tennis For Two (1958) (j’ai été assez surpris par le répondant du jeu qui tourne sur un véritable oscilloscope), Space War (1962) et quelques autres…
- L’exposition d’un modèle quasi unique de console Brown Box conçue et dédicacée par Ralph Baer et offerte à l’association MO5.com
Cette liste n’est pas exhaustive, il y encore d’autres éléments que vous pourrez trouver sur place mais qui m’ont beaucoup moins convaincus :
- La représentation de l’arcade avec seulement 2 bornes (Outrun et Dance Dance Revolution).
- Une galerie d’art qui n’expose que des captures d’écran de jeux imprimées sur verre
- Un mur-vitrine d’objets liés à l’e-sport sans pour autant en expliquer les coulisses
- Une galerie « jeux sérieux » avec seulement 3 titres sur 5 tablettes (Minecraft, Smokitten pour arrêter de fumer et J’aime les Patates pour réfléchir à notre mode de consommation)
- Un début de thématique sur jeux vidéo et espace
- Le camouflage des machines des premières expérimentations. Le Tennis for Two jouable tourne réellement sur un oscilloscope mais que l’on ne voit pas, qui est caché dans le mobilier et dont l’image est renvoyée sur un écran LCD pour une meilleure visibilité. Et On joue avec les manettes d’un Vidéojeu Philips N20 plutôt que de vrais boîtiers comme à l’origine, c’est dommage.
- La borne cocktail Pong, qui invite à des parties endiablées à 2 joueurs…. sauf qu’il n’y a qu’un seul côté qui contrôle les 2 raquettes. Cela devrait bientôt être corrigé m’a-t-on dit, dommage, l’exposition a déjà commencé.
- L’absence de manipulation des accessoires et manettes : comment fonctionne un Powerglove ? Quel sensation avait-on avec un Virtual Boy ? Comment peut bien fonctionner cette machine à coudre reliée à une Gameboy ??? Dommage qu’il n’y en ait pas plus de présentés.
- L’absence de mise en valeur de la Brown Box. Je suis passé devant plusieurs fois avant de la voir et je suis même encore incapable de vous dire où elle se trouve ! (On dira que c’est un peu à l’image de son créateur dont on a oublié qu’il était à l’origine de nombreux concepts qui ont fait le succès d’autres constructeurs)
- L’absence du transmedia sous toutes ses formes : rien sur le cinéma, ni sur la musique et aucun livre présentés (alors que l’édition française sur le jeu est l’une des plus importantes, elle continue d’être ignorée)
- L’absence de jeux sur PC ou micro-ordinateur (point de Apple II, ni de PC sous Windows qui ont pourtant fortement démocratiser le jeu vidéo…)
- La moquette (on aime ou on n’aime pas)
Vous l’aurez compris, il y a du bon et du moins bon à voir dans cette exposition qui reste en surface des choses. Jean Zeid voulait exposer un panorama de ce qu’a représenté et représente aujourd’hui le jeu vidéo. C’est donc un peu de tout dans lequel on peut picorer sans avoir vraiment de quoi se mettre sous la dent. On ne se sent pas comme à la maison, on ne se sent pas comme en bibliothèque, on ne sent pas comme dans une salle d’arcade ni dans un musée, on se sent dans une vitrine en fait, sans que l’on puisse accéder au magasin. Mais il est de toute façon difficile d’être exhaustif sur un domaine aussi vaste dans un espace aussi restreint et sans demander une entrée payante.
L’exposition est prévue pour le grand public et elle attirera les foules sans aucun doute. Elle rassemblera tous les publics qui consomment du jeu vidéo régulièrement ou non. Si vous êtes un passionné, collectionneur ou grand joueur de longue date, vous risquez de ne pas être entièrement satisfait. En revanche, pour nos collègues qui se posent encore des questions sur cette bête noire, cela peut-être une première approche, une vision d’ensemble de ce qu’est le jeu vidéo mais ils repartiront sans doute avec plus de questions que de réponses et qu’il sera rapidement nécessaire d’approfondir.
Au fond cette exposition est une vitrine de ce qu’est le jeu vidéo et ce que nous devons mettre en place dans nos médiathèques : des espaces de jeux à succès avec les mascottes indémodables, des espaces thématiques qui pourraient changer régulièrement, des coins cosy pour jouer ou regarder, des espaces sur l’évolution de grandes sagas, des espaces sur l’évolution technologique, des espaces de démonstrations, de réflexions, de consultation et de contemplation, des espaces d’expérimentation, du jeu seul ou à plusieurs, pour le plaisir, pour réfléchir ou pour se défier. Si cette exposition avait été le travail d’une médiathèque, je l’aurais très chaleureusement salué. Mais dans ce cadre d’exposition, j’attendais autre chose, j’attendais plus.
Le mieux reste encore de vous faire un avis et de venir en discuter. L’équipe de Jeuxvidéothèque se fera d’ailleurs un plaisir de vous rejoindre sur place pour (re)visiter l’expo (profitez-en c’est gratuit), échanger sur les jeux et les pratiques ou simplement se rencontrer. N’hésitez pas à nous indiquer en commentaire à quel moment vous serez présents.
Pour aller plus loin :
GAME, le jeu vidéo à travers le temps, Jean Zeid, Seuil, 2017