Les jeux vidéo – comme la télévision en son temps – alimentent toutes sortes de fantasmes dans les médias : ils sont accusés d’être dangereux pour les adolescents, chronophages, abrutissants, et de rendre dépendants les joueurs… Pourtant, plus d’un foyer français sur deux est équipé en console de jeux (1), et, même si l’on peut observer une intensification des pratiques des moins de 34 ans avec un taux de pénétration plus important, l’âge moyen des joueurs était de 34,3 ans à la fin de l’année 2010 (2). La tranche d’âge la plus impliquée reste celle des 35-49 ans, loin des clichés donc, qui donnent l’image d’adolescents agressifs ou abêtis devant l’écran. Le jeu vidéo a effectivement souffert d’illégitimité jusqu’à récemment où il a gagné en considération à travers la diversité des structures et des manifestations qui le valorisent. Si des établissements culturels sont moins à l’aise pour constituer des collections, établir une politique d’investissement cohérente dans du matériel ou des jeux en ligne, ils ont pris acte de l’importance des jeux dans les pratiques de loisirs de la population. Surtout, ils mesurent l’impact positif de leur présence dans des espaces comme les médiathèques, associées à des lieux de savoirs et de culture éloignés du divertissement ou de la culture populaire. L’introduction des jeux relève donc à la fois d’une volonté d’ouverture à des supports culturels auparavant dédaignés, mais aussi d’une stratégie de conquête de nouveaux publics.
Contre toute attente, peut-être, vous ne trouverez pas d’articles – il y en a suffisamment dans la presse – sur l’addiction des jeunes. Rappelons-le, de telles pathologies sont rares ! Serge Tisseron (3) dédramatise bien la question, de même que les chercheurs de l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines. S’inscrivant en complémentarité avec le dossier « Les enjeux du jeu (4) » de la revue de L’école des Parents, ce numéro décline donc une réflexion sur les jeux à travers une exploration de leur statut actuel (depuis leur histoire, leur légitimité récente, jusqu’à leur introduction dans les médiathèques), une analyse plus « littéraire » (en décryptant les genres de jeux, leur narration et leurs personnages, et des titres de fiction dont ils sont l’objet), et quelques grandes thématiques relatives à l’adolescence (le corps, les stéréotypes sexués et les sociabilités).
Aux parisiens qui douteraient encore de l’intérêt des jeux après ce dossier, je ne peux que préconiser une visite à la Gaîté lyrique ou à la médiathèque Vaclav Havel, qui permet d’en tester plus de 230 sur place. Aux autres, je recommande vivement l’exploration de la carte interactive du blog jvbib qui recense les établissements ayant des jeux vidéo partout en France. Vous l’aurez compris, à vous de jouer… pour comprendre le rôle de cette première industrie culturelle au monde.
(1) Selon GfK-Médiamétrie (cité dans Le marché du jeu vidéo en 2012, Les études du CNC, juillet 2013), 50,6% d’entre eux en 2012.
(2) 35,6 ans fin 2009, Le marché du jeu vidéo en 2012, op. cit.
(3) Psychiatre et psychanalyste, docteur en psychologie habilité à diriger des recherches (HDR) à l’Université Paris VII Denis Diderot.
(4) N°605, décembre 2013.