3-6-9-12 Apprivoiser les écrans et grandir

Serge Tisseron est psychiatre, docteur en psychologie (HDR), membre de l’Académie des technologies, chercheur associé  à l’Université Paris-VII (Denis Diderot). Il a publié une trentaine d’essais personnels, notamment sur les secrets de fa mille, nos relations aux images et les bouleversements psychiques et sociaux entraînés par le numérique. Ses livres sont traduits dans onze langues. Il est coauteur du rapport de l’Académie des sciences : « L’enfant et les écrans ».

Ouvrage majeur sorti en 2016 (et déjà mis à jour et augmenté), je ne peux m’empêcher de citer les premier paragraphe de l’introduction tant il résume l’ensemble du livre :

« 3-6-9-12 », cela évoque bien sûr quatre étapes essentielles de l’enfance : 3 ans, c’est l’admission en maternelle ; 6 ans, l’entrée en CP ; 9 ans, l’accès à la maîtrise de la lecture et de l’écriture ; et 11-12 ans le passage en collège. Mais ce sont aussi d’excellents repères pour savoir à quel âge et comment introduire les différents écrans dans la vie de nos enfants. En effet, de la même façon qu’il existe des règles pour l’introduction des laitages, des légumes et des viandes dans l’alimentation d’un enfant, il est possible de concevoir une diététique des écrans, afin d’apprendre à les utiliser correctement, exactement comme on apprend à bien se nourrir. Mais pour cela, il nous faut renoncer à deux tentations : idéaliser ces technologies, et les diaboliser. Attendre des miracles des écrans serait  en effet tout aussi stérile que vouloir s’en passer. Ce ne sont que des outils. Ne leur demandons pas plus qu’ils ne peuvent donner, mais apprenons à leur demander tout ce qu’ils peuvent nous offrir ! Et pour commencer, introduisons-les au bon moment et à leur juste place.

A travers cet ouvrage, Serge Tisseron revient sur le développement des enfants, précisant clairement les besoins de ces derniers aux âges cités selon leur compétences cognitives. Il va cette fois-ci beaucoup plus loin dans ses propos, déjà abordés en 2008 dans Qui a peur des jeux vidéo ?, en ouvrant sa réflexion à tous les écrans. En effet, si la consommation d’écrans était déjà problématique à cette époque avec la télévision et les consoles de jeux, elle était encore loin de l’explosion qui suivi par l’arrivée des tablettes et la démocratisation des smartphones chez les plus jeunes et dans la société. Conscient que les écrans ne sont désormais plus seulement à la maison, il propose même un chapitre sur l’usage de ceux-ci à l’école, dans les collectivités publiques et le monde associatif.

Sans rejeter les écrans ou les jeux vidéo, il rappelle leur rôle et le besoin d’encadrement pour ne pas laisser les plus jeunes se faire happer trop facilement par ceux qui les entourent. Toutefois, on peut reprocher par moment un discours alarmiste compte tenu d’un vocabulaire fort (dans son chapitre sur l’état des savoirs par exemple, il oppose les « avantages » des écrans aux « dangers »). Mais le livre reste une référence incontestablement pertinente et bienvenue sur le sujet, à nuancer donc selon ses propres expériences et constats tant il est difficile (voire impossible ?) d’appliquer à la lettre l’introduction des pratiques numériques dans l’éducation des enfants.