Retour sur le colloque : Conservation du patrimoine vidéoludique : Quels enjeux ? Quels acteurs ?

Mercredi 13 décembre 2017, la Bibliothèque National de France (BnF) et le Conservatoire National du Jeu Vidéo (CNJV) ont organisé un colloque autour de la conservation du patrimoine vidéoludique. Cet article est un retour personnel des différents sujets abordés durant cette journée et non un déroulé littérale du programme.

On le sait désormais, il est essentiel et urgent d’entamer des actions de préservation du matériel mais aussi des contenus qui ont permis l’émergence d’un nouveau domaine culturel, celui des jeux vidéo. D’autant que ce dernier évolue rapidement, au même titre que ses supports, dont certains ont dépassé leur durée de vie estimée depuis plusieurs années, renforçant le risque de voir disparaître des titres uniques au monde. Mais si la question se pose pour les supports physiques, elles se posent aussi pour les supports numériques : comment préserver une application ou un jeu hébergé en ligne ou dans le cloud ? Comment conserver un jeu protégé par un DRM (un cadenas numérique) nécessitant une activation en ligne lorsque le système ne sera plus joignable ? Comment faire comprendre aux éditeurs et créateurs de jeux que leur travail, étape par étape, a un intérêt historique et culturel pour les générations à venir ? Beaucoup de questions que se posent la BNF et le CNJV ainsi que de nombreux acteurs engagés dans un but de préservation de ce patrimoine numérique.

Pour plus de détails, je vous renvoie sur LE DOSSIER DE PRESSE DU COLLOQUE.

PROGRAMME DE LA JOURNÉE
  • 10h et 11h : Visites des coulisses du traitement et de la conservation des jeux vidéo à la BnF
  • 14h – 14h15  Ouverture du colloque
    par Pascale Issartel (BnF) et Bertrand Brocard (CNJV)
  • 14h15 – 14h30 :
    Le jeu vidéo, objet culturel en cours de patrimonialisation
    Benjamin Barbier (Paris 8) et Marion Coville (Paris 1)
  • 14h30 – 15h15 :
    Patrimoine vidéoludique : De quoi parlons-nous ?
    Elodie Bertrand (BnF), Bertrand Brocard (CNJV), Isabelle Astic (MAM)
  • 15h15 – 16h : Répertorier, référencer, donner accès
    Joseph Redon (GPS – Japon), Olivier Cassou (Abandonware France), Marie-Pierre Bodez (BnF)
  • 16h – 16h45 : Studios, éditeurs : Capitaliser sur la mémoire !
    Emmanuel Martin (SELL), Julien Villedieu (SNJV),
    Laurent Cluzel (123-DEF)
  • 16h45 – 17h30 : Pause
  • 17h30 – 18h15 : Conserver pour la recherche et la création
    Alexis Blanchet (Paris 3), Colin Sidre (Paris 13), Yves Bolognini (Musée Bolo – Suisse)
  • 18h15 – 18h45 : Supports en péril
    Denis Lechevalier (expert en remastérisation)
  • Jean-Philippe Humblot (Ingénieur – BnF)
  • 18h45 – 19h30 : Conserver pour rejouer ?
    Philippe Dubois (MO5), Mathieu Charreyre (WDA), René Speranza (Silicium)
    Modérateur : Jean Zeid (journaliste à France-Info)19h30 – 19h40 : Une vision soutenue par l’État
  • 20h – 22h : Clôture conviviale au Belvédère de la BnF
PRESENTATION DES INTERVENANTS
Denis Masséglia Député du Maine-et-Loire (5e circ.) et candidat à la présidence du groupe d’étude sur les jeux vidéo porté par l’Assemblée Nationale.
Benjamin Barbier Docteur qualifié en sciences de l’information et de la communication, Université Paris 8. Chercheur associé à la BnF de 2013 à 2016
Marion Coville Sociologue (genre, technos & approches féministes des STS/ jeux vidéo/ muséo/ santé & numérique) et présidente de l’OMNSH.
 Elodie Bertrand  Responsable de la section documents électroniques du département de l’Audiovisuel de la BnF
 Bertrand Brocard  Président du CNJV (Conservatoire National du Jeu Vidéo) et co-fondateur de CobraSoft
 Isabelle Astic  Responsable de collection informatique et réseaux au Musée des Arts et Métiers
 Marie-Pierre Bodez  Responsable de la coordination du catalogage, département de l’Audiovisuel, BnF
 Joseph Redon  Président de l’association Game Preservation Society
 Olivier Cassou  Fondateur du site Abandonware France
 Bruno Bonnell  Député du Rhône (6e circ.) et co-fondateur d’Infogrames
 Emmanuel Martin  Délégué général du SELL (Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs)
 Julien Villedieu  Délégué général du SNJV (Syndicat National du Jeu Vidéo)
 Laurent Cluzel  Auteur et consultant en jeux (123-DEF) (site web)
 Alexis Blanchet  Maître de conférence à l’Université Paris III Sorbonne Nouvelle, directeur du Master cinéma et audiovisuel
 Colin Sidre  Doctorant sur l’histoire du jeu vidéo en France à l’Université Paris 13
 Yves Bolognini  Fondateur et responsable du Musée Bolo
 Denis Lechevallier  Expert en remastérisation
Jean-Philippe Humblot  En charge du traitement des documents électroniques et multimédia, département de l’Audiovisuel, BnF
 Philippe Dubois  Président de l’association MO5.COM
 René Speranza  Président de l’association Silicium
 Matthieu Charreyre  Président de l’association WDA
Jean Zeid  Chroniqueur chez France Info
Pascale Issartel  Directrice du département de l’Audivisuel, BnF

 

LA CONSERVATION : DU COLLECTIONNEUR A L’INSTITUTION

« Le jeu vidéo est un objet culturel en cours de patrimonialisation » : encensé par certains, décrié par d’autres, le jeu vidéo peine encore à trouver sa légitimité non seulement auprès des hommes de loi (je vous laisse apprécier les échanges récents envers Denis Masséglia à l’Assemblée Nationale), mais aussi auprès du grand public puisqu’en 2016, seulement 7% des français considèrent le jeu vidéo comme un objet culturel d’après une étude commandée par le Ministère de la Culture et de la Communication. (Et à l’heure où nous écrivons désormais ces lignes, la reconnaissance de l’addiction aux jeux vidéo par l’OMS attend pour la première fois d’être votée ou rejetée !)

Le jeu vidéo est aussi un objet récent face aux autres domaines culturels. S’il est né d’un hack visant à montrer les possibilités d’une machine, il est très rapidement devenu un objet de loisirs destiné avant tout à amuser les enfants. Pourtant, tout le monde a bien grandi depuis, mais cette visée ludique enfantine lui colle à la peau et l’empêche d’être vraiment considéré à sa juste valeur auprès des publics qui continuent d’y voir le jouet de leur enfance.

Pourtant, ils sont de plus en plus nombreux, particuliers ou collectivités, à affirmer l’importance de cet objet qu’est le jeu vidéo. Plusieurs associations ont vu le jour dès la fin des années 80, avec pour ambition de récupérer des jeux et machines par passion et nostalgie. Puis vient la BnF qui a ouvert le dépôt légal aux objets culturels, dont les logiciels et bases de données, en 1992. Selon la loi, chaque jeu accessible au public français doit être remis en double exemplaire à la BnF. Cela concerne le titre initial ainsi que ses multiples versions et rééditions et ce, sur chaque console sur laquelle il est exploité (un exemple concret, lors d’un changement de console : un jeu qui sortirait sur PS3, PS4, 360, ONE, Wii U, Switch, PC et MAC, avec une édition simple et une édition collector avec son lot de DLC, devra donc être remis en… 32 exemplaires !!! Plus les exemplaires « Jeux de l’année » ou « édition définitive » qui suivront sur la ou les générations de consoles suivantes.) Comme le dépôt légal ne concerne que les jeux sortis à partir de 1992, la BnF dispose d’un budget pour acquérir des jeux plus anciens ainsi que des jeux étrangers (notamment japonais). Et pour compléter le tout, la BnF dispose également des magazines, ouvrages et vidéos sur le sujet.

Mais il n’y a pas que la BnF qui s’est lancée dans une procédure de stockage. Le CNJV s’est également lancé dans une sauvegarde de tout ce qui a servi de près ou de loin à la conception d’un jeu. Ancien membre fondateur de CobraSoft, Bertrand Brocard a sorti plusieurs objets de son carton afin de nous montrer ce qui avait de l’importance à ses yeux : cahiers de croquis, plans d’architecte d’un projet non abouti, classeurs remplis de lignes de code d’un jeu, échanges épistolaires entre développeurs et objets diverses, tout, absolument tout, a une valeur et doit être conservé dans les meilleures conditions.

Les musées traitant des sciences et techniques sont aussi concernés par cette conservation matérielle, à la différence qu’un musée ne vise pas l’exhaustivité d’un domaine unique, mais un ensemble d’objets précis qui vont mettre en lumière le domaine fixé. Le Musée des Arts et Métiers dispose dans ses collections de quelques consoles mais uniquement pour ce que celles-ci ont apporté dans l’évolution des techniques. Par exemple, le Game & Watch Donkey Kong permet de mettre en avant la croix directionnelle, qui a par la suite été reprise sur presque toutes les manettes comme une norme, ou encore une console Atari pour sa gestion de la mémoire, etc. Si l’on se réfère également aux nombreuses expositions temporaires sur les jeux vidéo au Musée des Arts et Métiers, au Grand Palais ou à la Cité des Sciences et de l’Industrie, on se rend compte là-aussi qu’il s’agissait plus de faire découvrir un ensemble de possibilité que l’intégralité d’un catalogue de jeux ou de machines.

Il n’existe à ce jour aucun musée national du jeu vidéo ou de l’informatique. Ceux qui ont pu voir le jour sont des initiatives personnelles et sont tenues par des associations. C’est le cas notamment du Musée Bolo, dédié à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine informatique. Hébergé au sein de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, il est avant tout le projet d’Yves Bolognini via la Fondation Mémoires Informatiques et propose régulièrement des expositions sur l’histoire de l’informatique, soutenues par l’EPFL et permettant ainsi un véritable partenariat entre son le projet de muséale et l’école. Il aurait été intéressant aussi d’avoir un retour du Pixel Museum, le musée des jeux vidéo à Schiltigheim qui traite directement de cette question.

POURQUOI CONSERVER ?

Quel est l’objectif de cette conservation si minutieuse du patrimoine vidéoludique ? Tout simplement, la préservation de sa richesse culturelle, de son histoire et de sa technologie. Si on se réfère aux descriptifs de toutes les associations et institutions présentes, la conservation de ce matériel vise à sauvegarder la mémoire d’une technologie devenue jetable et, parfois, obsolète ou en voie de le devenir. Un travail important mais dont toutes les nations n’ont pas conscience. La Game Preservation Society a souligné qu’il n’y avait pas, au Japon, d’institutions d’archives publiques pour le jeu vidéo, pas de dépôt légal non plus, d’où la naissance de cette association qui récupère, répare et répertorie les jeux japonais pour les remettre à disposition dans des espaces ludiques auxquels ils sont associés. (Je vous laisse découvrir l’excellent documentaire Game Preservation, the Quest de la NHK World, sous-titré en français)

En France, pour le moment, tous ces éléments sont essentiellement mis à disposition des chercheurs qui sont de plus en plus nombreux à étudier le jeu vidéo. La création de cursus universitaires dans ce domaine a grandement aidé à l’émergence de ces recherches et aujourd’hui, certaines bourses parmi les plus prestigieuses peuvent être consacrées à des chercheurs du domaine du jeu vidéo. Certains comme Alexis Blanchet ont noté que l’histoire du jeu vidéo est d’abord abordé du point de vue américain, mais qu’en est-il de l’histoire du jeu vidéo en France ? A-t-on attendu que les premières Odyssey débarquent sur le territoire français pour commencer à jouer ou des expériences ont-elles été menées dès l’apparition de Tennis for Two ? Une question à laquelle ils vont tenter de répondre avec Guillaume Montagnon à travers le livre French Touch : l’histoire du jeu vidéo en France aux éditions Pix’n Love. A ses côtés, Colin Sidre qui travaille sur la diffusion et les réseaux de distribution du jeu vidéo en France, a souligné la difficulté de mener à bien sa thèse compte tenu du manque d’archives sur le sujet en question et que c’est finalement par les magazines et les acteurs directs de l’époque qu’il a pu remonter certaines filières.

Ces manques n’empêchent évidemment pas le grand public d’avoir accès à certains objets. Des associations telles que MO5.com ou Silicium et bien d’autres proposent régulièrement des expositions jouables dans les médiathèques ou lors de salons du jeu vidéo.Un moyen de préserver la connaissance de la culture vidéoludique auprès des nouvelles générations de joueurs. L’idée de l’importance de faire jouer aux jeux d’origines sur des machines d’origine a soulevé le débat sur l’intérêt des jeunes pour le matériel, lorsque ceux-ci ne demandent qu’à manipuler du jeu, quelque soit le support.

A l’inverse, l’association WDL vise avant tout une conservation extrême du matériel informatique et ses composants. Lorsqu’un ordinateur parvient à leur local, il peut être divisé en plusieurs pièces afin qu’un élément ne vienne saccager la machine (exemple : les piles sont retirées de la carte mère, les cartes graphiques sont emballées séparément, etc.) Un travail extrême et minutieux mais nécessaire selon le président de l’association dont l’objectif est avant tout de pouvoir remettre à disposition dans le futur ce matériel dans les meilleures conditions qui soient. A noter également que l’association répare et revend des ordinateurs et composants plus communs à des prix très modestes pour faire vivre l’association.

LES DIFFICULTÉS DE CONSERVATION

Plusieurs difficultés sont ressorties de ces échanges, à commencer par la place. Conserver des centaines de machines prend beaucoup, beaucoup de place et une bonne gestion de l’organisation. Une place qui coûte chère aux associations qui peinent souvent à trouver des locaux de bonne facture à des prix raisonnables. Le manque de moyens financiers est aussi une grande difficulté, surtout à l’heure où les vendeurs profitent de l’engouement populaire pour le rétrogaming pour vendre à des prix déraisonnables.

Mais les difficultés viennent aussi de la fragilité des supports. En effet, les supports magnétiques (disquettes) peuvent moisir et rendre leur contenu inutilisables. Idem pour les disques optiques (cédéroms) qui s’oxydent avec le temps et dont la durée de vie est estimée aujourd’hui entre 5 et 15ans. Selon les spécialistes, il faut trouver un autre moyen de conserver le contenu de ces supports et bien souvent cela passe par l’émulation. Chaque document qui arrive à la BnF se voit numérisé mais dans le cas des logiciels et des jeux, cela n’est pas toujours évident en raison, notamment, de la détérioration du support. S’il est devenu facile d’encoder des cartouches, ce n’est pas toujours le cas des cédéroms ou cassette magnétiques. Il faut pouvoir détecter et traiter les traces de moisissures avant de récupérer le contenu, au risque d’infecter le lecteur et ainsi de transmettre aux aux autres supports. Au-delà de l’aspect physique, il faut aussi pouvoir contourner les protections mises en place.

Et puis cette éternelle question : que faut-il conserver ? A l’époque des Amstrad et autres Thomson MO5, les jeux nécessitaient un long chargement de données avant de pouvoir être utilisés. Faut-il conserver ces temps de chargement ? Si la question ne se pose pas pour une médiathèque classique qui cherche avant tout à donner accès au contenu, elle se pose surtout auprès des chercheurs. Cela paraît peu évident pour le public lambda mais pour un chercheur qui étudierait l’accès aux jeux vidéo dans les années 80, cela peut être une donnée essentielle ! (Aujourd’hui encore, on continue à nous vendre des machines « plus rapides »). Une question qui a aussi fait sourire compte tenu des dizaines d’heures d’installation que peuvent prendre un jeu sur PS4 ou Xbox One. Faut-il aussi conserver les bugs ? Zombi, l’un des premiers jeux d’Ubi Soft a été vendu avec un virus. Le master d’origine qui servi à la copie des exemplaires commerciaux était, semble-t-il vérolé, et le virus a été copié sur les milliers de cartouches diffusées. Faut-il garder le jeu en l’état ou en profiter pour supprimer ce défaut qui n’est plus qu’un détail aujourd’hui ? La BnF a décidé de le conserver.

Et ces questions se posent pour le matériel « customisé ». Lorsqu’un particulier fait un don de console, faut-il enlever tous les autocollants ou toutes les traces qui ont marqué le plastique avec le temps pour obtenir la console au plus près de sa sortie de la boîte ? Ou faut-il conserver ces éléments imprégnés de leur contexte d’époque et de la considération apportée par leur propriétaire ? Cette question fait encore débat et rappelle fortement les débats à travers la restauration des œuvres d’art et des monuments : faut-il raviver les couleurs par une nouvelle couche de peinture ou préserver à tout prix l’original en ralentissant seulement sa dégradation ? (Un ouvrage de 1903 intéressant à ce sujet : Le culte des monuments d’Aloïs Riegl, L’Harmattan, 2007)LE

Et puis comme conserver ne suffit pas, il faut aussi pouvoir donner accès, rendre compte des informations de ces jeux, indexer les contenus et matériels… en somme : cataloguer ! Un travail de longue haleine et la tendance globale en médiathèque vise à une simplicité des notices (car il ne faut pas perdre l’usager à travers un trop grand nombre d’informations sur l’OPAC.) Parmi les normes de catalogage, la BnF est en train de passer ses notices en FRBR, permettant ainsi de rattacher chaque exemplaire à une l’oeuvre d’origine ainsi que ses multiples adaptations cinématographiques et littéraires. Un moyen qui permet au public et plus encore aux chercheurs à avoir accès à l’ensemble des productions commercialisées autour de cette œuvre.

LE RÔLE DES ÉDITEURS

Pour le SELL et le SNJV, il est en effet important de conserver ce qui existe ou ce qui aurait pu exister. Une étude a récemment permis de montrer que 60% des éditeurs archivent leurs documents. Mais il semblerait que tous n’aient pas encore conscience du véritable enjeu et se contentent de garder des dossiers informatiques de leurs travaux sur le disque dur de leur ordinateur. Un travail d’harmonisation à l’échelle européenne est en cours à ce sujet afin d’archiver ces données numériques dans les meilleures conditions. La BnF a d’ailleurs lancé un appel aux éditeurs afin de travailler en commun sur cette question. Mais d’ailleurs, qui est responsable de l’archivage de ces données ? Est-ce le rôle des éditeurs qui sont garants de la propriété intellectuelle de ces éléments ou bien les développeurs qui en sont les concepteurs ? Lequel des deux doit mettre en place les ressources nécessaires pour une conservation optimale de ces données ? Pour le moment, la question reste en suspens et chacun doit être en mesure de conserver du mieux possible les éléments qu’il estime pertinent.

La BnF a également rappelé que le dépôt légal est obligatoire en France pour les éditeurs et passible d’une très forte amende en cas de refus. Pourquoi les éditeurs et développeurs refuseraient-ils de donner leur jeux à ceux qui ont les moyens de les conserver dans les meilleures conditions ? Cela commence par la méconnaissance totale de cette loi (la BnF doit régulièrement rappeler, si ce n’est apprendre, aux éditeurs leur obligations) mais aussi par une certaine peur de la mise à disposition gratuite de leurs jeux. Pourtant à la BnF, le grand public n’a accès qu’à un petit contenu de jeux récents dans les salles accessibles à tous, l’ensemble de la collection émulée n’est, quant à elle, accessible uniquement aux chercheurs.

CONCLUSION : LA CONSERVATION DU JEU VIDÉO EST L’AFFAIRE DE TOUS !

Si cette journée n’a pas permis d’apporter une solution miracle à l’ensemble des problèmes évoqués, elle aura néanmoins présenté des acteurs œuvrant à la préservation du patrimoine vidéo-ludique. Ils sont nombreux et se font parfois concurrence. Certains sont mandatés officiellement pour le faire, d’autres le font par passion. Une chose est sûre, c’est qu’ils ont tous un rôle à jouer, que ce soit pour des fins de recherches et de sauvegarde, de  restauration et de mise à disposition ou encore simplement à titre personnel. Une chose est sûre, à partir du moment où nous décidons de ne pas nous débarrasser de ces jeux et consoles qui nous ont séduit quelques temps, alors nous devenons nous-mêmes les gardiens d’une culture patrimoniale dans laquelle se sont exprimés des générations d’artistes et de concepteurs. Il aurait été intéressant d’avoir le point de vue d’un collectionneur pur, une personne qui vise à l’exhaustivité d’une collection de titre sur une seule machine, ou bien un ensemble d’objet liés à un seul titre. A ce titre, je vous renvoie à l’émission Collector’s Quest présentée par Florent Gorges sur la chaîne Nolife.

A titre personnel, je dispose d’une modeste collection de plus de 550 jeux sur plusieurs consoles de la NES à la PS3. Si je ne prétends pas sauver le monde du rétrogaming de la disparition, cela me fait toujours mal au cœur d’entendre que du matériel s’apprête à disparaître dans une benne à ordures après avoir été sorti d’un grenier poussiéreux. Je ne possède aucun trésor dans ma collection et je doute en avoir un qui m’appartienne un jour, mais je me sens en partie responsable de cette culture que je tente désormais de transmettre aux différents publics que je croise. Le jeu vidéo fait parti de notre culture et plus encore pour moi, il a été riche d’enseignement. Et c’est la capacité du jeu vidéo à initier, développer et faire rêver, comme la littérature, la musique ou le cinéma et tous les arts d’expression, qui me confirme la nécessité de tout faire pour partager au maximum la richesse de ce média. Et il est de notre devoir, en tant que bibliothécaires, de permettre la diffusion de cette culture par n’importe quel biais.

Retrouvez les photos de cette journée.

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